L’amour, c’est de ne pas avoir peur du vide, d’oser entrer dans le néant. L’amour, c’est ce moment d’écriture engagée dans le temps. Certains l’appellent écriture automatique.

L’amour, c’est de ne pas avoir peur du vide, d’oser entrer dans le néant. L’amour, c’est ce moment d’écriture engagée dans le temps. Certains l’appellent écriture automatique.

Image: Autonomous artists anonymous

« Donne-moi ta plume pour écrire un mot. » La générosité de cette comptine est peut-être au centre de l’activité de l’écrivain.e. Parfois, on a besoin de la plume d’un.e autre pour pouvoir écrire. Ou tout du moins, on croit avoir besoin de la plume d’un.e autre pour pouvoir écrire. Mais finalement, ce n’est pas la plume que l’on trouve, mais un cœur à qui se confier, une âme sœur peut-être. L’écriture s’arrête alors pour le moment d’un câlin. Ce qui reste c’est une connivence, un moment de partage. La porte s’est refermée, on ne les voit plus. Ce que l’on peut voir, c’est notre imagination. Deux corps qui s’étreignent, deux souffles qui mergent en un souffle pour le moment de l’étreinte. Un sourire qui nait, un soupir qui souffle les heures, les jours, les semaines d’angoisse emmagasinées dans le corps, là, juste au dessous du plexus solaire. Ce sont des choses banales, mais même les choses banales se transforment en tension. Le pain trop dur trouvé au petit matin. Le thé tiède. L’eau qui ne chauffe pas, ou qui est trop chaude et brule le bout de mes doigts. Le rythme de la langue qui tremble et qui claque, qui s’élance et se cramponne au dernier morceau de ligne, au dernier son de la tirade à peine entamée. Qu’est-ce qui pourrait apporter de la joie dans ce cocktail de détails oubliés sur le rebord de la fenêtre ? J’entends la voix de Christian Bobin interjeter le texte. « L’amour, c’est un morceau de soleil oublié sur un mur, c’est un fantôme en robe bleue. » L’amour, c’est un éclair qui caresse la peau. L’amour, c’est une étreinte qui ne serre pas. L’amour, c’est le coup de marteau qui nous révèle un monde juste à porté de main, jusque là caché par un rideau d’inquiétudes. L’amour, c’est l’endurance de la dance, la sueur de la valse qui n’en finit pas de tourner. L’amour, c’est le son qui s’estompe pour se transformer en vibrations internes. Ces vibrations qui révèlent le cœur sous la poitrine, qui éveillent un frisson oublié au coin d’une côte brisée. L’amour, c’est l’envie d’en faire encore un peu plus, le monde n’est jamais trop plein d’histoires, il en faut toujours plus pour révéler nos vies et nos destins. L’amour, c’est de ne pas avoir peur du vide, d’oser entrer dans le néant. L’amour, c’est ce moment d’écriture engagée dans le temps. Certains l’appellent écriture automatique, moi je l’appelle écriture créative. Écriture tout court, parce que finalement, écrire, c’est écouter son cœur, c’est-à-dire, écouter les vibrations de mes os qui se mettent à chanter. Mes os se sont mit à chanter par un samedi après- midi brumeux. Je marchais sur la route, portant mon poids en traversant la rivière, tombant sur les pierres. Leur chant se mit à gonfler comme une éponge, absorbant le sol, épongeant le flot, transformant le vent qui tombait sur les arbres de ma trachée…C’est un de mes poèmes qui résonne ici. Écoutez-le en entier, c’est par ici.

La terre d’automne est noire, mais nos os sont blancs. Je les entends chanter quand je cours dans le vent

 Nos os se mirent à chanter par un samedi matin embrumé.
 Nous étions sur la route, portant notre poids au-delà de la rivière, tombant sur les pierres. 
  
 Leur chant se mit à gonfler comme une éponge absorbant le sol, aspirant
 le flot, transportant 
 les airs, transformant 
 le vent qui tombait
 sur les branches
 de notre trachée.
  
 Nos os, invisibles à nos yeux, jusqu’à ce que
  
 nous tombions
  
 brisés.
  
 Nos os libérés, nous ne savons plus
 où mettre nos pieds, à qui tenir la main, où poser notre dos
 où se reposer. 
  
 Mais il nous reste l’eau. Elle s’écoule sous notre peau,
 transportant le sel alluvion de tristesse,
 elle vient toucher le rebord sculpté de nos yeux. 
  
 Une larme
 coule. 
  
 Une larme
 sèche.
  
 Trace blanche sédimentaire 
 se souvenant du sol, nos os se mettent à bouger, lentement,
 plus      lent       que      le      soleil       qui    se     lève     à           l’horizon. 
  
 Personne ne les vit bouger, pourtant ils portaient notre image, 
 émergeant dans la brume, ils frappèrent aux carreaux.
  
 Aucun son
  
 n’apparut.  
  
 Nos os se mettent à chanter observant l’intérieur,
 alors que nous dormons, ils suivent les courbes et les lignes
 réconciliant les parts de notre corps brisé.
  
 Nous posons nos pieds nus sur le sol dur et froid,
 et frottons notre dos avec la palme de nos mains.
  
 La fenêtre était ouverte au réveil ce matin.
  
  
 Marie Beauchamps ©2020