La terre d’automne est noire, mais nos os sont blancs. Je les entends chanter quand je cours dans le vent

 Nos os se mirent à chanter par un samedi matin embrumé.
 Nous étions sur la route, portant notre poids au-delà de la rivière, tombant sur les pierres. 
  
 Leur chant se mit à gonfler comme une éponge absorbant le sol, aspirant
 le flot, transportant 
 les airs, transformant 
 le vent qui tombait
 sur les branches
 de notre trachée.
  
 Nos os, invisibles à nos yeux, jusqu’à ce que
  
 nous tombions
  
 brisés.
  
 Nos os libérés, nous ne savons plus
 où mettre nos pieds, à qui tenir la main, où poser notre dos
 où se reposer. 
  
 Mais il nous reste l’eau. Elle s’écoule sous notre peau,
 transportant le sel alluvion de tristesse,
 elle vient toucher le rebord sculpté de nos yeux. 
  
 Une larme
 coule. 
  
 Une larme
 sèche.
  
 Trace blanche sédimentaire 
 se souvenant du sol, nos os se mettent à bouger, lentement,
 plus      lent       que      le      soleil       qui    se     lève     à           l’horizon. 
  
 Personne ne les vit bouger, pourtant ils portaient notre image, 
 émergeant dans la brume, ils frappèrent aux carreaux.
  
 Aucun son
  
 n’apparut.  
  
 Nos os se mettent à chanter observant l’intérieur,
 alors que nous dormons, ils suivent les courbes et les lignes
 réconciliant les parts de notre corps brisé.
  
 Nous posons nos pieds nus sur le sol dur et froid,
 et frottons notre dos avec la palme de nos mains.
  
 La fenêtre était ouverte au réveil ce matin.
  
  
 Marie Beauchamps ©2020